mardi 7 novembre 2017

Noémi-Colombe Bromberg MOISE Figures d'un prophète

« Moïse Figures d’un prophète » Par Noémi-Colombe Bromberg le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme met en exergue Moïse, personnage clef en monde juif. Pourquoi celui que l’on surnomme communément « Moshé Rabbenou » est-il également une figure charismatique des autres religions monothéistes ? Portrait d’un homme aux multiples représentations iconographiques. Des peintures, des gravures, des dessins, des livres ou encore des extraits de films (Cecil B. DeMille, Antonioni) tendent à démontrer la complexité et la richesse des représentations de la figure de Moïse. Comment expliquer un tel engouement artistique de l’Antiquité jusqu’à nos jours ? Est-ce contradictoire avec le deuxième commandement qui interdit l’idolâtrie ? Dès le IIIè siècle avant notre ère, Moïse est le prophète le plus représenté des épisodes bibliques comme en témoignent les fresques qui illustrent la synagogue de Doura Europos (Syrie). Moïse est également très présent, sous forme d’enluminures, dans des manuscrits médiévaux comme la Bible de Nicolas de Lyre (13e siècle) ou celle de l’Atelier Jean Bourdichon (15e siècle). Il bénéficie d’un rayonnement artistique impressionnant, aussi bien dans les sources juives que dans les sources chrétiennes bien que ces dernières soient étonnamment plus nombreuses. Dès lors, le personnage de Moïse apparaît comme un enjeu religieux, politique mais également philosophique. Tour à tour, Moïse devient prêtre, prophète, législateur ou roi. Il possède toutes les caractéristiques du héros grec. Puissant et fragile, Moïse est un leader bègue ! Les épisodes marquants de la vie de Moïse sont mis en lumière par de nombreux artistes : les peintres Nicolas Poussin, Philippe de Champaigne et Jean Tassel, les tapissiers Charles le Brun et Sébastien Bourdon, le graveur Abraham Bar Ya’Akov… Cependant, au fur et à mesure des siècles, les représentations juives et chrétiennes divergent par une interprétation erronée de La Vulgate de Saint-Jérôme, traduction latine du texte hébraïque. Moïse y est affublé de cornes, tandis qu’il descend du Sinaï avec les tables de la loi, au lieu de bénéficier d’une aura de lumière, comme il est précisé dans l’Exode. Dans son ouvrage « Vie de Moïse », Philon d’Alexandrie, juif imprégné d’idéaux grecs, diffuse l’idée de Moïse comme une allégorie du Messie. Mais peut-on vraiment comparer Moïse et Jésus Christ ? Ce qui est certain, c’est que l’iconographie des artistes chrétiens associe la manne et l’ostie ou encore la figure de Moïse à un libérateur en souffrance. Moïse n’entrera pas en terre promise…Moïse apparaît parfois comme une catharsis. Se représenter en Moïse, comme Jean-François Millet, est-ce faire état de ses qualités ou de ses souffrances ? Pour les artistes juifs, Moïse a l’apparence d’un patriarche rassurant. Il fait le lien avec D., descend du mont-Sinaï avec les tables de la Loi et pardonne au peuple hébreu malgré la faute du veau d’or. Aussi, Moïse est illustré sur des « haggadot » de Pessah ou sur des « mappot ». Il est également gravé sur des objets de culte ou sur un « mizrah » (Nathan Moshe Brilliant)…Le monde juif n’ignore pas l’univers esthétique qui se construit autour de la figure emblématique de Moïse. Au XXème siècle, Moritz Daniel Oppenheim et Reuven Rubin proposent une vision novatrice. Moïse est une figure de quête identitaire. Moïse symbolise le retour à Sion comme le démontre l’artiste Boris Schatz, fondateur de l’école Bezalel de Jérusalem. Theodor Herzl serait le Moïse des temps modernes ! Marc Chagall représente un Moïse plus ambigu : la figure du Christ souffrant sur la croix apparaît à plusieurs reprises dans ses œuvres sur ce thème, notamment dans « La traversée de la mer Rouge ». Au XIXe siècle et au XXe siècle, la figure de Moïse est également importante pour la communauté noire des Etats-Unis, victime de nombreuses persécutions raciales. Harriet Tubman, appelée « Black Moses » organise la mise en sureté des esclaves évadés. Grâce au concours du rabbin Abraham Joshua Heshel, le leader Martin Luther King est le nouveau Moïse. La communauté noire ne doit pas craindre l’Exode...Avec talent et avec cœur, Louis Armstrong demande la clémence du Pharaon. William Faulkner, auteur de « Si je t’oublie, Jérusalem », reprend cette même idée dans son ouvrage « Go down Moses ». Il semble évident qu’il est temps de laisser partir les peuples…

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