mardi 7 novembre 2017
Eugénie Bastié. Ralentissement spectaculaire de l'alya de Juifs de France
Ralentissement spectaculaire de l'alya des juifs de France
Par Eugénie Bastié
VIDÉO - Alors qu'en 2015, 7000 juifs ont quitté la France pour Israël, ils ne sont plus que 5000 en 2016, refroidis notamment par les difficultés d'intégration au sein de l'État hébreu. Des chiffres qui restent élevés et témoignent d'un climat d'inquiétude.
De 2012 à 2014, ce sont près de 20.000 juifs français qui ont fait leur «alya», terme hébreu désignant la «montée» vers Israël, autrement dit l'émigration des juifs du monde entier vers l'État hébreu. Entre 2012 - année des crimes commis par Mohamed Merah à Toulouse - et 2013, le nombre d'émigrants à destination d'Israël avait bondi de 1920 à 3400. Et après l'attentat contre l'Hyper Cacher de la Porte de Vincennes, ce chiffre s'est élevé jusqu'à 7000 départs en 2015.
Mais l'explosion des années 2013-2015 semble s'être spectaculairement ralentie en 2016: selon des chiffres rendus publics dans un rapport du Jewish People Policy Institute (JPPI) publié début octobre, on est passé de 7000 départs en 2015 à 5000 en 2016. «Malgré les efforts du gouvernement israélien et d'autres corps, il y a eu un ralentissement dans les huit premiers mois de 2016: 3452 à comparer avec les 5930 durant les 8 premiers mois de 2015. Si la tendance se poursuit, 2016 verra un déclin de 40 % des immigrants venus de France par rapport à 2015», déplore le JPPI.
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Extrait du rapport annuel du Jewish People Policy Institute
Rassurés par Valls, inquiets du terrorisme en Israël
«On ne revient pas pour autant aux chiffres de l'alya traditionnelle, dans les années 2000, où on tournait autour des 1200», temporise Daniel Benhaim, directeur de l'Agence juive en France. Cet organe gouvernemental israélien qui se donne pour mission de «servir de lien principal entre l'État juif et les communautés juives du monde entier», est chargé d'organiser et de faciliter ce «droit au retour», inscrit dans la loi israélienne depuis 1950. Chaque personne qui en fait la demande peut, à l'issue d'une procédure, accéder à la citoyenneté israélienne. L'Agence juive a une dimension proactive notamment en France où des efforts ont été consentis pour recruter des candidats. Au lendemain des attentats de janvier 2015, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou avait lancé un appel à «l'émigration massive» des juifs d'Europe en Israël. Un plan de 180 millions de shekels (40 millions d'euros) avait été lancé pour favoriser ces départs. Il s'agissait de favoriser en particulier les juifs de Belgique, de France et d'Ukraine. Les candidats au départ reçoivent désormais en plus de leur billet d'avion une allocation de 3000 euros à leur arrivée, ainsi que des cours d'hébreu pendant cinq mois et billets d'avion et une préparation longue dans le pays de départ. Selon un sondage IFOP datant de janvier 2016, 40 % des 500.000 juifs français envisageaient l'idée l'émigrer en Israël. Soit un potentiel de 200.000 immigrants.
«Les étapes de prise d'informations sont toujours aussi importantes, même si la concrétisation faiblit», admet Daniel Benhaim. La frange qui était idéologiquement la plus prête à partir a déjà sauté le pas, et les autres sont plus lents à prendre leur décision. Les raisons expliquant ce ralentissement sont multiples. La montée du terrorisme en Israël en 2015-2016 est un facteur, mais aussi la déception vis-à-vis de l'intégration dans le système israélien. Les immigrants éprouvent des difficultés à trouver du travail, à apprendre l'hébreu qui est une langue difficile. Pour le JPPI, la personnalité du premier ministre français Manuel Valls aurait aussi été un facteur décisif. «Suivant les discours fermes et les actions concrètes de Manuel Valls, les juifs français ont commencé à reprendre confiance dans l'engagement du gouvernement à les protéger», écrivent les auteurs du rapport. «Sans les juifs de France, la France ne serait pas la France», avait notamment déclaré le premier ministre. «En 2016, le terrorisme est devenu une cause nationale, et ne visait plus spécifiquement les juifs qui se sont sentis en communauté de destin», ajoute Daniel Benhaim.
La France dépassée par l'Ukraine, premier pourvoyeur d'immigrants
Daniel Benhaim souligne néanmoins que l'inquiétude reste très forte. «Les juifs français sont dans un paradoxe identitaire: ils se sentent rassurés qu'on les protège mais en même temps se demandent pourquoi ils ont besoin d'être protégés». Il évoque également «cette religion de la laïcité qui a pour objectif de se substituer aux religions» qui pousserait de plus en plus certains juifs religieux à partir pour mieux vivre leur foi.
Il y a toujours eu deux types d'alya: les alyas de fuite, concernant les juifs se dérobant à une crise ou une montée violente de l'antisémitisme (en Afrique du Nord et dans les pays du Moyen Orient notamment), mais aussi les petits flux continus de l'alya occidentale. La dernière grande alya date de 1990, lorsqu'un million de juifs soviétiques ont été rapatriés en Israël après la chute de l'URSS. Depuis, les flux ont tendance à sérieusement diminuer. La France, qui a été pendant trois ans le plus gros fournisseur de nouveaux immigrants à Israël est aujourd'hui dépassé par l'Ukraine, avec plus de 7000 départs. Depuis la révolution de Maïdan en 2014, le flux ne tarit pas. Rien à voir pour autant à une quelconque montée de l'antisémitisme comme en France. «En Ukraine, l'alya est motivée par l'instabilité politique qui règne depuis la guerre civile. C'est une crise qui n'est pas identitaire comme en France mais sécuritaire», précise Daniel Benhaim.
L'immigration en Israël depuis 1948. Extrait du rapport annuel du Jewish People Policy Institute.
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