mercredi 6 octobre 2021
Jacques Halbronn Le français et l'hébreu autour du "sheva" et du "e"
jacques Halbronn Le français et l’hébreu autour du « sheva » et du « e ».
Nous pratiquons ces deux langues, l’une comme langue maternelle et l’autre acquise autour de nos 20 ans et il se trouve que celles-ci offrent quelques points communs quant à leur traitement de la dialectique consonne. voyelle, au prisme de l’oral et de l’écrit. Cela dit, l’hébreu aura connu bien des tribulations et des discontinuités dans sa pratique et c’est pourquoi le français permettrait mieux de restituer une certaine idée du traitement de la langue à laquelle tant de langues sont largement étrangères, de nos jours.
Quand on interroge un francophone sur les régles de prononciation du français, il faudra le plus souvent et dans le meilleur des cas, se contenter de formules indiquant que les consonnes finales en français sont en quelque sort « masquées » quand on passe de l’écrit à l’oral. C’est ainsi que le pluriel du français est peu rendu: on pense au « s » qui est censé ne pas se prononcer en position terminale, sauf en cas de « liaison ». La langue anglaise en dépit de tous ses emprunts au français ne sera pas parvenue à respecter cette régle aura suivi l’exemple de l’espagnol et d’une façon générale, elle n’aura pas maintenu une pratique d’occultation comparable à celle du français. Quant à l’hébreu, il dispose du « sheva »..
Articke Wikipedia;
« Un shewa est un signe diacritique de l’alphabet hébraïque. Il sert à noter :
soit une voyelle très brève [ə], analogue à un e « muet » en français (« maintenant »). Dans ce cas, il est appelé shewa mobile.
soit l’absence totale de voyelle (∅). Dans ce cas, il est appelé shewa quiescent »
De fait, si l’on prend la conjugaison d’un verbe en hébreu on trouve, par exemple: ani Kotev, au présent (Iere personne du singulier) mais Likhtov, à l’infinitif . Dans le premier cas, les consonnes sont séparées par une voyelle, dans le second cas, deux consonnes s’enchainent, le Kaph n »étant pas sépare du Thav. Cela vaut aussi pour le présent pluriel : Kotvim/
En français la négation « ne » permet le plus souvent de lier deux consonnes entre elles je ne trouve pas, se prononcera « je n’trouve pas » ce qui a été repris par l’anglais avec I don’t, I can’t, avec usage de l’apostrophe, ce qui n’est pas le cas du français au niveau de l’écrit. C’est là une particularité du français de l’existence de pratiques non explicitement marquées à l’écrit. Il y a donc là une tradition non écrite qui entre en jeu et qui a pu se perdre en hébreu, ne se maintenant que pour la conjugaison.
Essayons de reformuler cette pratique orale du français, et ce, en dépit du fait que l’on ne dispose pas d’enregistrements, de notations de cette oralité avant le milieu du XIXe siècle si ce n’est par le biais de quelques chansons ou poémes.
Nous dirons que la lettre « e » en français ne saurait être considérée comme une voyelle ordinaire mais plutot comme une interface entre voyelles et consonnes. Si une consonne est suivie d’un « e », elle se prononce. Si elle n’est pas suivie d’un « e » elle n’est pas censée se faire entendre, c’est notamment le cas pour marquer le masculin et le féminin.. Exemple: grand et grande et l’on observe ainsi un principe assez proche de ce qu’on a signalé plus haut pour l’hébreu mais à un autre niveau.
Nous dirons par ailleurs que le « e » situé entre deux consonnes au sein d’un même mot ou dans le cas d’une séquence permet de les combiner, comme on l’a vu pour la négation. Mais le e s’éclipse devant une voyelle: on ne dira pas je te aime mais je t’aime mais cette fois cette régle aura impacté l’écrit. On a donc en français deux cas de figure: l’occultation du « e » indiquée à l’écrit et l’occultation du « e » non indiquée à l’écrit mais ne s’imposant pas moins. Cette double pratique peut évidemment dérouter. Ainsi, au lieu de « je vois », on dira « j’vois » alors que l’écrit ne marque pas d’apostrophe même si parfois, cela est indiqué: petit se prononce « ptit » et est parfois indiqué à l’écrit « p’tit » notamment dans les partitions de chant qui étaient très populaires autrefois. On en donnera un exemple ci dessous avec Le « p’tit Quinquin » de Raoul de Godewarsvelde
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Dors min, min ptit quinquin,
Min ptit pouchin,
Min gros rogin !
Te m?fras du chagrin
Si te n?dors poin chqu?à dmain.
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Ainsi l?aute jour unne pauve dintelière,
In amiclotant sin ptit garchon
Qu?i, dpui tros carts d?eure, ene faijot qu?brère,
Tachot d?l?indormir par unne canchon.
Èle li dijot : Min Narcisse,
Dmain t?aras du pain d?épice,
Du chuke à gogo
Si t?es sache et qu?te fais dodo?
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Dors min, min ptit quinquin,
Min ptit pouchin,
Min gros rogin !
Te m?fras du chagrin
Si te n?dors poin chqu?à dmain.
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Et si te m?laiches faire unne bonne semainne,
J?irai dégager tin biau sarau,
Tin pantalon d?drap, tin gilliet d?lainne,
Comme un ptit milord te sras faraud !
J?tacatrai, l?jour del ducasse,
Un polichinel cocasse,
Un turlututu
Pour juer l?air du Capiau-pointu
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Dors min, min ptit quinquin,
Min ptit pouchin,
Min gros rogin !
Te m?fras du chagrin
Si te n?dors poin chqu?à dmain.
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Nous irons din l?cour Jannète-as-Vakes
Vir les marionnètes. Conme te riras,
Quant t?intindras dire : ?Une doupe pou Jake !?
Pa l?polichinel qu?i parle maga.
Te li metras din s?menote,
Au lieu d?doupe, un rond d?carote !
I t?dira merci,
Pinse conme nous arons du plaisi !
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Dors min, min ptit quinquin,
Min ptit pouchin,
Min gros rogin !
Te m?fras du chagrin
Si te n?dors poin chqu?à dmain.
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Et si par asard sin maite I s?fache,
Ch?est alor, Narcisse, que nous rirons.
San nn?avoir invie, j?prindrai mn?air mache,
J?li dirai sin nom et ses sournoms !
J?li dirai des fariboles,
I m?in répondra des droles,
Infin, un chacun
Vera deus pestakes au lieu d?un ?
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Dors min, min ptit quinquin,
Min ptit pouchin,
Min gros rogin !
Te m?fras du chagrin
Si te n?dors poin chqu?à dmain.
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Alor, sère tes ieus, dors min bononme,
J?va dire une prière à Ptit-Jésus
Pour qu?i vyinne ichi, pindan tin sonme,
T?faire réver qu?jai les mains plainnes d?écus !
Pour qu?i t?aporte une cokile
Avec du chiro qu?i guile
Tout l?long d?tin minton,
Te t?poulèkras tros eures de long !
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Dors min, min ptit quinquin,
Min ptit pouchin,
Min gros rogin !
Te m?fras du chagrin
Si te n?dors poin chqu?à dmain.
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L?mos qu?i vyint, d?Saint-Nicola ch?est l?fiète,
Pour sûr, au soir, i vyindra t?trouver.
I t?fra un sermon et t?laichra mète
In-dzou du balo un grand painnié ?
I l?rimplira, si t?es sache,
D?séquois qu?is t?rindront bénache,
San cha, sin baudet
T?invoira un grand martinet.
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Dors min, min ptit quinquin,
Min ptit pouchin,
Min gros rogin !
Te m?fras du chagrin
Si te n?dors poin chqu?à dmain.
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Ni les marionnètes, ni l?pain d?épice,
N?ont produit d?éfet, mais l?martinet
A vite rapagé l?petit Narcisse
Qu?i crainiot d?vir ariver l?baudet.
Il a dit s?canchon dormoire,
S?mère l?a mis din sn?ochinnoire,
A rpis sin coussin
Et répété vint fos che rfrain :
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Dors min, min ptit quinquin,
Min ptit pouchin,
Min gros rogin !
Te m?fras du chagrin
Si te n?dors poin chqu?à dmain.
Voilà un excellent exemple du français « oral » restitué à l’écrit et qui met en évidence la dialectique propre au français mais dont la plupart des locuteurs francophones ne semblent pas avoir pris pleinement conscience, ce qui mériterait une vaste enquête, ce qui confine à une forme de schizophrénie comme le veut la Bible: « . Pour toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta droite, en sorte que ton aumône demeure secrète ; et ton Père qui voit dans le secret te le revaudra. » L’enseignement du français Langue Etrangère (FLE) aurait certainement à en prendre de la graine. Il est d’ailleurs assez net que le midi de la France est resté en partie étranger à cette pratique plutôt du nord de la France , ce qui est le cas du p’tit quinquin (cf supra).
Voyons ce qu’il en est pour l’allemand. Au premier abord, on trouve des similitudes entre le français et l’allemand . Ainsi, Klein et Kleine (traduction petit et petite) si ce n’est que « klein » a sa consonnes finale non occultée et que le « e » finale de « kleine »ne sert donc pas à faire entendre le « n » de Klein. Nous en conclurons que l’allemand semble avoir perdu en cours de route la régle de prononciation édictée plus haut. Autrement dit, le français aurait mieux conservé le processus du passage de l’écrit à l’oral que l’allemand mais cette régle de la non prononciation conduit à produire de nouveaux sons en français puisque le « an » de grand donne un son nouveau. Le « e » non seulement agit sur la non prononciation mais génére une prononciation additionnelle qui sera reprise par l’anglais : I can’t, I don’t, calqué sur le « an » et le « on » du français. C’est ce qui nous fait dire que l’on assiste à l’émergence de nouveaux sons tant pour les voyelles que pour les consonnes, du fait des combinatoires ainsi générées.
Le français nous apparait comme sensiblement plus riche à l’oral qu’à l’écrit et la question qui se pose est la suivante: est ce que c’est cette richesse sonore qui aura conféré au français un prestige particulier bien plus que son lexique en tant que tel. Les langues qui ont emprunté, qui se sont calquées sur le français n’en auront pas saisi les secrets et auront cru à tort que l’importation des mots écrits ferait l’affaire. C’est d’ailleurs le sort de bien des emprunts tant au niveau de la forme que du fond, du mot que du texte-de ne pas capter correctement ce qui exerçait véritablement un impact!
JHB 06 10 21
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