Pour une reconnaissance de la réalité objective d’une aristocratie juive de France.Toxicité du déni.
par Jacques Halbronn,
Centre d’études et de recherche sur l’identité juive (CERIJ, fondé en 1978)
Il y a des identités plus ou moins fantasmées ou purement juridiques
et il y a des identités qui s’ancrent sur une réalité objective. On a
coutume de dire que l’on ne devient pas juif mais qu’on assume une
« origine ». Mais qu’en est-il de ces Juifs qui se déclarent et qui
s’affirment Juifs de France. Au prix de quelle « conversion », une
telle affirmation est-elle recevable,? Qui des groupes qui se
constituent autour d’une forme d’imposture, de mimétisme, d’usurpation?
Car par delà le lien qui est affirmé entre les juifs de France et
l’Etat d’Israël dans l’espace et la Terre d’Israël dans le temps, se
pose aussi la question du lien des Juifs de France avec l’histoire de la
France mais aussi de leur lien avec les communautés de leurs aieux plus
réels qui ont vécu hors de France, il y a seulement quelques
générations, qu’il s’agisse du Maghreb, de la Mittel Europa,, de la
Turquie ou de l’Egypte etc, etc; Sous ce dernier angle, les similitudes
avec les immigrés arabes du Maghreb sont évidemment bien plus
flagrantes, ne serait-ce que par le fait d’un certain bagage
linguistique qui n’a rien à voir ou si peu avec une identité liée à
Israel, d’hier ou d’aujourd’hui ou à la France : judéo-langues comme le
yiddish, le judéo-espagnol, le judéo-arabe etc.., Il n’est pas rare
d’ailleurs que l’on rencontre une certaine incrédulité chez les Juifs de
France quand on se référe à un judaisme de souche française, expression
qui ne semble pas pleinement comprise ou qui est quelque part refoulée
en ce qu’elle est génante au niveau identitaire. le moins que l’on
puisse dire, c’est qu’en tout état de cause, l’existence d’une sorte
d’aristocratie juive en France n’est pas appréciée comme elle le
mériterait au regard de l’image de la communauté juive de France. Or,
une telle question ne saurait être évacuée par un, haussement
d’épaules, ne serait-ce qu’au regard de la psychanalyse. on sait le
traumatisme lié à l’adoption et que sont ces juifs de France venus
d’ailleurs sinon des adoptés, des « convertis »,? Est-ce une bonne chose
que ceux qui parlent au nom de la communauté juive de France soient
issus du Maghreb ou du fin fonds de l’Europe?
Certes, on nous dira que ce sont ces juifs issus de l’immigration -ou
du moins leur famille sur un certain nombre de générations- qui
aiment le plus la France puisqu’ils l’ont désiré de l’extérieur. Mais
toutes proportions gardées, doit-on brader le judaisme français de la
sorte? En tout cas, un tel clivage nous semble aussi déterminant que
celui qui distingue juifs religieux et juifs laïcs mais il est en
quelque sorte refoulé, plus ou moins vécu subconsciemment, ce qui peut
conduire à des expressions qu’il conviendrait d’identifier, générant des
comportements problématiques. On pense notamment à ces juifs de France
qui vivent leur rapport à Israel de façon confuse : incapacité à
apprendre sérieusement l’hébreu moderne, émigration toujours reportée
vers Israël, autrement dit un rapport fantasmatique avec des identités
ressenties comme factices en comparaison de celles qui renvoie aux
origines famiiiales, le plus souvent étrangères au monde français
métropolitain et le fait pour les juifs d’Algérie d’avoir bénéficié du
Décret Crémieux (en 1870) n’en aura pas fait -sauf exception des juifs
de France, dès lors qu’ils sont restés dans leur milieu d’origine avec
le traumatisme qu’aura finalement produit le départ et le déracinement
dans les années soixante; le seul fait de parler français n’en fait pas
ipso facto des juifs de France à part entière.
Un tel débat n’est évidemment pas sans évoquer les rapports entre
juifs et Chrétiens, les juifs rappelant aux Chrétiens qu’ils ne sont au
mieux que des « juifs » d’adoption, de conversion, voire d’imitation,
alors que ces mêmes juifs sont objectivement dans une situation
comparable à l’endroit des Juifs de souche française. Situation qui nous
fait songer à la mauvaise foi décrite par Sartre.
Si deux facteurs ont brouillé l’image des juifs en France, c’est
bien d’une part le sionisme qui conduisit des juifs à se polariser sur
une terre étrangère et de l’autre l’immigration juive vers la France
qui conduisit à une autre forme de polarisation vers la France. la
communauté juive de France est marquée par ces deux expressions tout
aussi fantasmatiques l’une que l’autre, même si le rapport à la France
reléve d’un passage à l’acte , ce qui ne supprime nullement la dimension
fantasmatique voire qui pourrait l’exacerber tout comme le juifs qui
fait son Alyah est dans le même rapport imaginaire avec l’Etat d’Israêl,
tout en s’y trouvant à demeure. chacun sait que le juif qui émigré en
Israël n’est citoyen israélien qu’au regard du droit et non de la
réalité sociologique; En ce sens, tant le sionisme que l’impérialisme
français auront déstabilisé nombre de communautés juives installées
bien avant l’émergence de ces idéologies, générant des migrations plus
ou moins pathogénes sinon toxiques dont il est d’ailleurs difficile
d’apprécier toute la force de l’impact, y compris en ce qui concerne la
Shoah.;
Il faudrait peut être arréter de vouloir faire comme si les juifs de
souche française n’existaient pas, avaient disparu alors qu’ils existent
bel et bien, tant ceux dont les aieux ont vécu dans les territoires de
la papauté, autour d’Avignon et de Carpentras, que ceux qui se sont
enracinés en Alsace, sans parler des juifs du bordelais; Certes, ces
régions – par la force de l’interdiction des juifs de rester dans le
royaume de France, appartiennent-ils aux marges géographiques, autour de
l’axe Rhin-Rhône qui joua longtemps le rôle de frontière; En
l’occurrence, les juifs d’alsace se trouvent-ils séparés du monde
germanique par le Rhin, ce qui a forgé leur spécificité et leur rapport
très ancien avec la France tandis que les juifs du Pape étaient
culturellement parfaitement en phase avec la Provence située de l’autre
côté du Rhône; Autrement dit, les juifs de France sont des juifs
« RR » ((rhénan-rhodanien) marqués profondément par ce grand axe fluvial
qui passe par Strasbourg et Lyon, Avignon, jusqu’à Marseille. Ce
sont ces Juifs qui furent les premiers d’Europe à être émancipés et pas
seulement tolérés comme des citoyens de second ordre, aux droits limité
et non les juifs issus de l’immigration par delà la Méditerranée ou au
delà cette frontière fluviale dont on vient de parler.
Il serait heureux qu’au sein de toute structure juive, l’on assumât
pleinement la référence à ces juifs de souche française qui préparèrent-
de par leur présence, l’arrivée des juifs venus d’ailleurs, qui en
furent si l’on veut les précurseurs; Il serait bon ainsi que dans les
synagogues, il y eut une référence à ces juifs et pas seulement à la
France et à Israël, de façon à ne pas rester au stade d’une identité
fantasmée. Les Chrétiens de nos jours éprouvent le besoin de rappeler
l’interface juive dans leur rapport à la révélation; De même, les Juifs
immigrés en France, ou en tout cas issus de l’immigration- doivent
considérer les Juifs de souche française comme une interface
incontournable et indispensable avec la France. Il serait bon
d’ailleurs que cette question soit au cœur du dialogue avec le
christianisme et l’Islam en France de façon à rappeler que les juifs de
France sont regroupés autour d’une aristocratie installée depuis des
siècles en France et ne l’ayant parfois quittée que pour rester à sa
frontière (Alsace et Comtat Venaissin ) n’oubliant jamais leur origine.
En ce sens, les juifs de Bordeaux sont eux issus d’un autre monde,
ibérique (notamment Portugal) et n’ont pas la même légitimité
historique, les mêmes lettres de noblesse, que les juifs « RR » qui
n’auront fait que revenir vers la France, à l’instar de ces juifs des
Pyrénées venus vivre en Avignon au quatorziéme siècle et dont nous
sommes issus par notre père maternel (Carcassonne) étant issu par notre
grand- père paternel des juifs de Strasbourg.
Il nous faut dénoncer les effets d’un déni chez ces Juifs de France,
qui sont un peu les ouvriers de la onziéme heure en rappelant que dans
chaque nation, il y a une façon spécifique d’être juif qui s’est mise
en place avec le temps, inscrivant ainsi le juif dans le paysae de la
dite nation. Ceux qui arrivent sur le tard auraient tout intérêt à
laisser les représentants les plus légitimes du franco judaisme – ces
« israélites »- tenir la barre en n’important pas des valeurs venus
d’ailleurs. Or, on a pu observer qu’une certaine mauvaise conscience de
ces Juifs immigrés en France peut les conduire à tenir des discours
alimentant l’antisémitisme du genre : de toute façon, nous sommes tous
des immigrés, que cela soit sur trois générations ou sur trente, cela
revient au même! Autrement dit, ces Juifs là sont prêts à relativiser
la signification d’une présence juive séculaire voire millénaire pour
ne pas avoir à reconnaitre aux Juifs descendants de ce judaisme
français ancré profondément dans l’Histoire de la France une quelconque
prééminence, épousant ainsi un discours considérant les Juifs de
France, toutes catégories confondues, comme des étrangers, jouant ainsi
la politique du pire de façon totalement irresponsable. Ces Juifs
immigrés ne se privent pas de transmettre à leurs enfants une telle
présentation des choses et quelque part se liguant contre les Juifs de
souche française dont l’existence même les perturbe.. On nous parle
alors d’un judaisme constitué d’une mosaique sans ancrage dans une
terre, ce qui permet de substituer une approche synchronique atemporelle
à une diachronie fondée sur une réalité historique. Une telle attitude
est intolérable et néfaste, qui au fond assimile la situation des Juifs
de France à celle des arabes maghrébins, et ce d’autant plus que ces
Juifs immigrés ont dans leur imaginaire – car leur identité est
essentiellement de l’ordre de l’imaginaire- la référence à Israël, à la
façon dont les arabes maghrébins se référent au monde arabe dans son
ensemble et notamment à la Palestine. Simulacre d’autant plus délirant
que cette référence à Israel est purement virtuelle à la différence du
lien qui unit les arabes maghrébins à leurs origines. Situation
schizophrénique chez ces Juifs qui les conduit à substituer à leur
ascendance récente (Maghreb, pays de l’ancienne Europe de l’Est etc)
une ascendance à la fois pseudo-française et pseudo-israélienne,
telescopant leur propre réalité en se référant à la fois à un présent
immédiat en France à partir duquel ils réinventent leur passé et à la
fois un passé mythique biblique qui les référe à Israel… Bien pis, ces
Juifs du Maghreb seront les premiers à mettre en avant le probléme de
l’Islam plutôt que celui d’une culture maghrébine dont ils sont
marqués, de façon à éviter tout amalgame qui engloberait l’ensemble
des immigrés du Maghreb toutes religions confondues. Autrement dit, ils
mettraient ainsi de façon irresponsable le débat sur le plan religieux
pour éviter qu’il soit posé sur le critère culturel.
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JHB
28; 07 16
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