Vers un changement dans la prononciation de l’hébreu écrit. Intrusion du culte d’Ishtar
par Jacques Halbronn
Lors de la renaissance de l’hébreu- ce qui a donné ce qu’on appelle l’hébreu moderne-il est dommage que l’on n’en ait pas profité pour corriger de mauvaises pratiques grammaticales notamment en ce qui concerne les marqueurs de genre (masculin/féminin) et nous entendons militer pour une réforme dans ce sens tant dans la pratique de l’hébreu moderne que dans l’hébreu biblique et synagogal.
Si l’on prend la création de la femme, au chapitre II de la Genése, il est dit qu’il y aura désormais ish et isha, et il est claire que Isha désigne ici la femme du fait de l’adjonction d’une voyelle, le a, souvent utilisée comme marqueur du féminin dans un grand nombre de langues tant latines que slaves ainsi qu’en arabe.
Or, dans tout le reste du chapitre, Dieu s’adresse à l’homme sous la forme « kha » qui est féminine et que l’on retrouve notamment, dans le Deutéronome, notamment dans le célébre Shéma Israel. « VaaHavta et Adonay Elohekha bekhol Levavkha, bekhol nafshekha, bekhol Meodekha etc ». (Deutéronome Ch VI) Les finales en « a » sont ici récurrentes alors qu’à l’évidence Dieu ou Moise s’adresse à Israel, en tant qu’entité masculine.
En ce qui concerne les Dix Commandements, d’ailleurs, c’est la forme « bréve » qui est utilisée et non la forme féminine avec adjonction du « i »: Lo Tignov, tu ne voleras pas qui serait au féminin Lo Tignevi. ou encore- pour l’observation du Shabbat- Zkhor, souviens-toi et non pas Zhori (Exode XX) Comment expliquer de telles incohérences qui ne se situent pas nécessairement au niveau de l’écrit mais de la « ponctuation » (nikoud) orale, laquelle se surajoute à l’écrit..
Cela vaut aussi pour les bénédictions commençant par » Baroukh ata Adonay » avec un participe « bref » -baroukh- donc marque du masculin et un pronom personnel, Ata, dont la finale est l’indication du féminin alors même que dans la pratique actuelle de l’hébreu, At est la façon dont on s’adresse à une femme. Or, si l’on prend la formation du présent, ani lomed, signfie pour un homme « j’apprends » et ani lomédet, pour une femme. On voit donc que les deux régles se croisent dans la plus grande confusion avec tantôt la forme longue pour signifier le masculin et tantôt pour signifier le féminin et vice versa!
D’un point de vue purement religieux, cette confusion est assez mal venue puisqu’elle concerne les rapports entre l’homme et Dieu. Ne pas employer la forme correcte ne serait-ce point, quelque part sacrilége? Que peut signifier l’usage du féminin quand on veut s’adresser à un principe masculin? Une telle question ne saurait être indifférente.
Si l’on prend le cas de l’Office du Vendredi soir, avec le célébre « Lekha Dodi » ‘(poéme de Shlomo Alkabetz), l’on s’adrese bien à un homme avec ce « Lekha » (cf l’injonction à Abraham Lekh Lekha! ) qui est marqué par le « a » féminin! Et l’on traduit « Va, mon bien aimé »
En revanche, quand il s’agit de marquer le possessif de la troisiéme personne, on a bien la forme « o » pour désigner la femme d’Adam : »Ishto » (Genése II, 25) alors même qu’à la deuxiéme personne, comme on a vu, on avait la forme « kha » en s’adressant à un homme ou à Dieu! Plus hybride, tu meurs! En effet, l’on trouve tantôt une forme bréve pour le masculin et longue pour le féminin, mais il arrive aussi que l’on ait le « a » pour le féminin et le « o » pour le masculin, comme dans « shéla », ce qui est à elle et « shélo », ce qui est à lui, ce qui recoupe les pratiques des langues latines comme l’espagnol et l’italien (bello, bella) On a aussi la variante hou rotsé, il veut, hi rotsa, elle veut.
Il reste que le « virus » est assez généralement répandu, comme on peut le voir dans les psaumes qui s’adressent à Dieu et qui recourent systématiquement en la forme en « kha ». En définitive, l »usage de la finale a comme marqueur du féminin est assez généralement répandu dans le monde latin, arabe et slave et l’on a du mal à comprendre comment notamment à la deuxième personne du masculin singulier, le « kha » a pu occuper une telle place alors que de toute évidence, il reléve d’un marqueur du féminin!
La seule explication qui vient à l’esprit tiendrait au culte de certaines déesses, qui a pu s’introduire dans le monde hébraïque, ce qui aurait laissé de telles traces et dans ce cas, il ne s’agirait pas tant d’une erreur grammaticale mais d’une déviance religieuse. On pense notamment au culte d’Ashérah-Ishtar (que l’on retrouve dans le nom d’Esther), qui aurait été l »épouse de Baal Yahvé avant de laisser la place au seul Yahvé. Nous serions donc ici face aux réminiscences d’un culte adressé à une déesse mais qui aurait fini par interférer avec la pratique de la langue et brouiller l’usage du masculin et du féminin en hébreu.
JHB
24 12 16
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