Les chapitres II et III de la Genése et le Livre de Job: l’intrusion de Satan-Lucifer
par Jacques Halbronn
En 1997, nous avions participé à un Colloque, à Cerisy, sur le thème du Diable, cela avait donné lieu à des actes de Colloque (Ed Dervy) mais notre communication n’y figurait pas et d’ailleurs, nous ne l’avons pas retrouvée à ce jour, nous souvenant seulement de son titre ; « la synagogue de Satan », formule figurant dans le Nouveau Testament.
Dans la présente étude, nous entendons montrer que l’idée selon laquelle Adam serait « seul » et aurait besoin d’ »aide » pourrait être qualifiée de « diabolique ». Cela concerne donc le chapitre II de la Genése et non le chapitre III bien plus commenté dans ce sens, autour notamment du personnage du Serpent. Mais pour nous, les chapitres II et III formeraient bel et bien un diptyque.
Nous englobons dans notre étude le Livre de Job qui montre Dieu défié par Satan de mettre Job à l’épreuve, le personnage de Job pouvant selon nous être rapproché de celui de Socrate.
Reprenons le dossier; Dieu vient, au chapitre premier du Livre de la Genése, de faire Adam à son image, mâle et femelle, c’est à dire androgyne, à la différence des animaux habitant sur la Terre et qui comportent un mâle et une femelle, comme on peut le voir avec l’épisode de l’Arche de Noé.
Et voilà qu’au cours du chapitre II, Dieu se rend compte qu’Adam est bien seul et qu’il lui faut une compagne, ce qui remet en cause ce qui avait été « créé » initialement. Qu’est ce qui fait douter Dieu de la sorte pour qu’il vienne apporter un tel « amendement », ce qui n’est pas sans nous faire penser à l’amendement de 1962 concernant la Constitution de 1958 et modifiant le mode d’élection du Président de la République Française?
Donc, comme on sait « Dieu » va « créer » pour Adam une « isha » (une femme, Adam étant « ish ») Mais avant de créer cette « isha », il avait déjà enjoint à Adam de ne pas toucher aux fruits d’un certain arbre de la connaissance du bien et du mal, au sein de ce Jardin d’Eden, où Adam avait été installé.
Et ne voilà-t-il pas que cette « isha », à peine « fabriquée », est mise au courant -on ne sait trop comment- de cette interdiction, dont le « serpent » avait eu, lui aussi, connaissance. On est passé dans le chapitre III. Que va-t-il se passer? On est entré dans ce que nous appellerons une spirale du manque: Dieu a le sentiment qu’Adam est « seul » (levad), ce qui est déjà le constat d’un manque qu’il va combler en lui offrant cette « isha ». Mais la ‘isha » ne supporte pas le manque consistant à devoir renoncer à la production d’un certain arbre. Et cela continue, le couple découvre un autre manque, à savoir qu’il n’a pas de vêtement, il lui faut donc couvrir sa « nudité ».
En bref, on est dans la conscience du manque, de ce qui manque à l’autre, de ce qui « me » manque et cela crée un doute qui remet en question l’ordre qui avait été précédemment instauré.
Mais, comme on sait, ce nouvel ordre va générer très vite du désordre puisque cela se termine de façon catastrophique, désastreuse, par l’expulsion du « couple » du Jardin d’Eden. Le couple va engendrer deux enfants, Cain et Abel et l’on connait la suite.
L’idée selon laquelle, il y aurait de l’incomplétude, de l’imperfection (et donc le sentiment que ce qui a été fait serait perfectible) introduit, si l’on peut dire, le ver dans le fruit.
Or, selon nous, le Shabbat montre à quel point, il importe que l’homme résiste à un tel sentiment de manque. Cette pratique hebdomadaire (instaurée dans la liste des Dix Commandements, Exode et Deutéronome) enseigne à l’homme à accepter son androgynat en se séparant de tout ce qui pourrait l’aliéner. La synagogue, qui relaie le temple, exige la séparation des hommes et des femmes ainsi que l’éloignement de tout ce qui correspond à un « travail » (melakha), ce qui; selon nous, englobe l’usage de tout objet y compris les rouleaux de la Tora, ce qui n’est nullement le cas de nos jours puisque le « clou » de l’Office du Shabbat- le samedi matin - n’est autre que la sortie des dix rouleaux et la lecture de certains passages, notamment lors de la Bar Mitzwa.
Dès lors, nous considérons que ce qui est mis en scéne dans les chapitres II et III de la Genése n’est nullement un « progrès », un « idéal » à atteindre mais au contraire constitue une « tentation » , une mise à l’épreuve par laquelle il convient certes de passer mais qui ne saurait correspondre à une fin en soi. Ce serait au contraire une concession faite à Satan comme dans le cas de Job.
Dieu a créé un « monstre » en la personne d’Adam « andrggyne » qui est prié de renouer avec son androgynat lors du Shabbat ( lequel devrait logiquement occuper la moitié du temps et pas seulement le septiéme jour). On appelle « havdala » le passage du temps du Shabbat au temps du « travail » (celui des esclaves, du bétail, de la maisonnée (Bayit). C’est le même verbe qui sert au chapitre I de la Genése pour indiquer ce que Dieu « sépare » mais on trouve la même idée dans le Nouveau Testament avec l’idée de séparer le bon grain de l’ivraie.
Cet androgyne si différent des autres « animaux », va se trouver doter de cette « isha » dont on peut penser qu’il s’agirait d’un androïde, d’une sorte de robot, mis au service de l’homme.
On comprend ainsi que tant le judaisme orthodoxe que le catholicisme romain ou que l’Islam, ne mettent nullement hommes et femmes sur un pied d’égalité. Et l’on peut même penser que -par la suite – Satan suggère à la Isha qu’il n ‘y a aucune raison qu’elle ne soit l’égale de l’homme et en tout état de cause, la Isha doit percevoir là un manque.
D’où l’importance du Shabbat, présenté comme le signe par excellence de l’alliance entre Dieu et les Hébreux en ce que le dit Shabbat remet de l’ordre et n’entend plus se laisser « conseiller » par Satan. Les conseilleurs ne sont pas les payeurs.
Cela dit, l’obsession actuelle du « plein emploi » ne nous raméne-t-elle pas à l’idée du manque.? L’employeur est celui que l’on aura persuadé qu’il est seul, qu’il ne peut s’en sortir sans aide. En ce sens cette course à l’emploi semble inspirée par la main de Satan. L’idée de protéger l’homme en limitant le temps de travail est mise en échec au nom d’exigences économiques (programme des droites, républicaines comme extrémes), le chomage étant présenté comme le mal absolu alors qu’il correspond somme toute à une forme de libération, de « retraite ». Il y a là une spirale du fait de l’invasion des machines, ce qui crée des besoins de consommation à l’opposé de l’énergie renouvelable et des activités que nous pouvons assurer sans aucune intervention ou aide extérieures.
JHB
19. 12. 16
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire