PROTOCOLE
Jacques Halbronn vient de sortir « Protocoles des sages de Sion :
la source oubliée de l’antitalmudisme ».
L’Europe centrale, en particulier
l’Autriche-Hongrie, est le parent pauvre de la recherche sur les
origines du sionisme et de l’antisémititisme, une sorte de Lotharingie
écrasée entre deux blocs que seraient la Russie et l’Allemagne. Deux
exemples illustrent notre jugement : d’une part le fait de ne pas
signaler les premières diffusions hors de Russie des Protocoles des sages de Sion,
à Prague, en Bohême, au sein de l’empire austro-hongrois, et ce dès
avant la première guerre mondaiale (1909), laissant entendre à tort que
la première traduction allemande ne parut qu’en 1919 à Berlin, et
d’autre part en occultant l’affaire roumaine, déjà évoquée (qui fit
l’objet d’une communication au congrès mondial des Études juives, à
Jérusalem, en 2009), qui constitue un précédent incontournable pour
comprendre la genèse des solutions internationales proposées pour la
« solution » de la question juive au cours des décennies qui précèdent
le congrès de Bâle de 1897. Rappelons d’ailleurs que Théodore Herzl, le
grand animateur dudit congrès, était lui-même un ressortissant de cette
Autriche-Hongrie, né à Budapest et ayant fait carrière à Vienne.
Évoquons aussi la responsabilité dudit empire dans le déclenchement de
la première guerre mondiale, autour de l’assassinat de l’archiduc, à
Sarajevo, sans parler du déroulement des événements qui conduisirent à
la Seconde guerre mondiale et qui tournèrent notamment autour des
Sudètes (Munich), partie de la Tchécoslovaquie issue de
l’Autriche-Hongrie. Mais aussi de la Pologne, dont l’invasion à la fois
par l’Allemagne et par la Russie conduisit la France et l’Angleterre à
déclarer la guerre à Hitler.
Ce préambule effectué, il convient
d’ouvrir un nouveau chapitre, largement méconnu du 20e siècle, dont
l’épicentre se situe à Prague dans les dernières décennies du 19e
siècle, donc avant la publication en cette ville des Protocoles des sages de Sion,
autour de la personne et de l’œuvre du chanoine August Rohling. Comme
dans le cas de notre étude sur la situation des Juifs en Roumanie dans
les années 1870-1880, c’est l’écho qui se manifeste en France, dans les
milieux antisémites, qui nous mettra sur la piste. En effet, la question
des Juifs en Roumanie avait figuré assez largement chez Chabauty comme
chez le chevalier Gougenot des Mousseaux (le rôle de la Roumanie dans le
cadre présioniste et antisémitique n’est pas « évoqué » par Emmanuel
Kreis dans Les puissances de l’ombre). À propos de ces deux
auteurs, voir sur Chabauty p. 102-110. De même Rohling (1839-1931) est
avant tout un compilateur d’une certaine littérature antitalmudique, et
c’est par son truchement que ladite littérature parvient en France, à la
fin des années quatre-vingts du 19e siècle, avant de figurer dans les
années vingt su siècle suivant, compilée par Serge Nilus, en annexe des Protocoles des sages de Sion
édités en français par Mgr Jouin. Les années quatre-vingts sont
d’ailleurs masquées par le début de la colonisation juive en Palestine,
ce qui eut des effets sur l’imaginaire tant des Juifs que des non Juifs,
comme en témoigne un texte paru en allemand, à Iasi, dans cette
Roumanie confrontée dramatiquement à la question juive, « Die Judenfrage und die zu ihrer Lösung vorgeschlagenen Mittel angeregt und hinausgegeben ». (Herzl emploie le mot Lösung [solution] en 1896, en sous-titre de son Judenstaat.) En réalité, cette étude n’aurait pas lieu d’être si, mystérieusement, la genèse des Protocoles des sages de Sion,
telle qu’on peut l’analyser des années vingt au 20e siècle jusqu’à la
première décennie du 21e siècle comprise, n’avait été entachée par
certaines lacunes relatives à la question de l’antitalmudisme, tenu sous
silence dans l’histoire de l’antisémitisme moderne. C’est en vue de
combler cette lacune que nous entendons mettre en évidence ce chaînon.
Il y a certes des exceptions à une telle omission mais une fois la part
faire du travail du protestant Hermann Leberecht Strack, le bilan
s’avère maigre. Ledit travail est donc certes exemplaire mais il fait
plutôt figure d’exception et il conviendrait d’essayer de comprendre
pourquoi il en fut et il en est ainsi. Nous voudrions donc, par la
présente étude, rétablir une chronologie non lacunaire des sources du
protocolisme mais force est de constater que les historiens de
l’antisémitisme rechignent à inscrire l’antitalmudisme dans le cadre du
20e siècle. Cela pourrait d’ailleurs s’expliquer par le fait que
l’antitalmudisme, s’il peut déformer certains textes qu’il cite ou s’il
les sort de leur contexte, ne s’en appuie pas moins sur un corpus au sein duquel les Juifs parlent — depuis des siècles — des chrétiens, pas forcément de façon très diplomatique. A contrario, les Protocoles des sages de Sion sont présentés comme une pure fiction puisque se référant à des situations n’ayant jamais existé. Or, si l’on relie Talmud et Protocoles apparaît une certaine filiation, quand bien même les Protocoles seraient une falsification. En coupant les pistes reliant les Protocoles
au Talmud, d’aucuns ont cru créer une sorte de cordon sanitaire, mais
ils l’ont fait au risque de se déconsidérer en tant qu’historiens. Et il
en aura été de même, toutes proportions gardées, pour les travaux
consacrés au sionisme qui évitent de s’attarder sur le précédent
roumain. Là encore, on peut comprendre qu’il ne s’agit pas d’ignorance
de nombreux chercheurs, l’idée d’« installer » les Juifs hors d’Europe
ne semblant pas s’être imposée d’entrée de jeu. Une « solution »
européenne semble avoir d’abord prévalu dans le « concert » des
puissances européennes réunies en congrès (Vienne, Paris, Berlin), et
quand Herzl propose l’Argentine ou la Palestine, il avait déjà compris
que la « solution » (sous-titre de L’État juif) à la roumaine, a
fait long feu, alors même que la Roumanie était aux portes de
l’Autriche-Hongrie et que des Juifs de cet empire avaient émigré vers
ladite Roumanie, tout comme il en venait de Russie et de Pologne. Il est
d’ailleurs assez patent que l’exemple roumain pouvait préfigurer les
difficultés qui attendaient l’installation des Juifs en majorité
européens en Palestine, dans un environnement religieux et géographique
radicalement différent. L’exportation du problème juif hors d’Europe
était finalement devenue un impératif mais il fallut attendre l’invasion
de l’empire ottoman par les Anglais et leurs alliés français, dans la
deuxième décennie du 20e siècle, pour que les choses commencent à
prendre tournure. (Déclaration Balfour de fin 1917, au moment même de la
Révolution d’Octobre, supposée renouveler les termes de la question
juive en Russie.) Rappelons que l’arrivée de Juifs issus du Maghreb en
Israël date seulement des années soixante. Leur venue conféra une autre
dimension à l’arrivée des Juifs dans un État enclavé dans le monde
arabe. Rappelons aussi que la Roumanie avait longtemps dépendu de
l’empire ottoman et que le choix de la Palestine s’inscrivait dans une
logique « ottomane » ou « postottomane ». Le parallèle entre Roumanie et
Palestine est d’autant plus frappant que dans les deux cas il
s’agissait d’États « jeunes », accédant à l’indépendance, et que leur «
reconnaissance » avait en quelque sorte fait l’objet d’un marchandage
entre Européens et populations locales : prenez nos Juifs et nous
soutiendrons votre émancipation.
Trente ans avant la réception française des Protocoles
C’est en 1888 et 1889 que l’œuvre
d’August Rohling touche le public francophone. Ces années n’ont pas
échappé à l’attention de Marc Angenot, auteur de Ce que l’on dit des Juifs en 1889,
mais il s’agissait avant tout de commémorer le centième anniversaire de
la prise de la Bastille. Il ne semble pas d’ailleurs que l’ouvrage de
Rohling ait été traduit à l’époque en anglais. On est donc trente ans
avant l’arrivée des Protocoles en France, au début des années 1920 (voir notre ouvrage Le sionisme et ses avatars,
opus cité). La comparaison de ces deux périodes de « réception » de
textes antisémites forts est édifiante et il est regrettable qu’elle ait
été aussi mal traitée, aussi peu signalée jusqu’à présent, à de très
rares exceptions près comme celle de Hermann Strack (cf. supra). Notons
que Rohling est un lecteur des publications israélites françaises de
l’époque qui alimentent parfois son propos, selon une logique consistant
à se servir de ce que les Juifs disent ou de ce qu’on leur fait dire…
Cette période est d’autant plus intéressante qu’elle précède de peu (une dizaine d’années environ) la période d’élaboration des Protocoles des sages de Sion,
qui selon la plupart des historiens se serait déroulée à Paris, autour
de 1900, faisant suite à l’affaire Dreyfus. Le mot « Sages » est
emblématique car il a une connotation religieuse et même talmudique. Il
s’agit des Hakhamim, en hébreu, ceux qui ont succédé aux Prophètes (les Neviim). Nilus lui-même, dans les annexes à son édition des Protocoles mentionna des passages du Talmud. « Sage » pourrait également valoir pour Rabbi, terme désignant les intervenants dans les débats reproduits dans le Talmud.
Rappelons que l’un des textes le plus souvent signalés comme annonçant les Protocoles est le « Discours du rabbin Reichhorn (dans l’œuvre de l’allemand Hermann Goedsche, Biarritz),
ce qui renvoie au talmudisme et à une certaine dimension religieuse. Le
discours commence par une référence aux « Sages d’Israël », ce qui
préfigure la formule « Sages de Sion ». Le texte est accessible en
français à partir de 1881 dans la revue catholique le Contemporain
: « Tous les 100 ans, assure-t-il, nous les Sages d’Israël, nous avons
accoutumé de nous réunir afin d’examiner nos progrès vers la domination
du monde que nous a promise Jéhovah et nos conquêtes sur la chrétienté.
» En 1901, ce discours sera évoqué
au parlement de Vienne par Breznovsky, huit ans avant qu’il ne pût le
faire en se basant sur le texte des Protocoles.
Avant
Rohling, il semble qu’un autre ouvrage antitalmudique ait déjà eu un
certain impact en France. Il serait l’œuvre d’un rabbin converti au
christianisme, désigné sous le nom de Néophyte. Il paraît en français en
1888, à Paris, chez H. Gautier, dans une présentation de « jab » sous le titre Le sang chrétien dans les rits de la synagogue moderne (BNF). On en connaît une version italienne, qui aurait été tirée d’un texte original moldave, Il sangue cristiano nei riti ebraici della moderna sinagoga — Rivelazioni di Neofito ex rabbino (Prato, 1883, BNF).
«
Il serait curieux et intéressant de suivre dans le cours des siècles
l’enseignement moral ou plutôt immoral des sociétés secrètes. On y
retrouverait dans des termes différents les principes du Talmud (…)
Chacun voit l’enchaînement des sociétés ennemies du christianisme depuis
la race juive au temps de la compilation du Talmud jusqu’à la
franc-maçonnerie de nos jours : elles s’engendrent les unes des autres,
elles se succèdent, elles ont toutes le même fond d’impiété et la même
fin : la dépravation de la race humaine », p. 393-397. Henri Desportes
cite (p. 258) cet ouvrage sur le sang dans la synagogue moderne, dans
son étude de 1889 parue en même temps et chez le même éditeur que Le Juif selon le Talmud. Le mystère du sang chez les Juifs de tous les temps
était déjà signalé par Gougenot des Mousseaux : « Pour cacher leurs
abominables superstitions, écrit le chevalier, les Juifs ne se sont pas
contentés d’effacer de leurs livres les préceptes qui les leur
ordonnaient ». Toutefois « ils n’ont pas réussi à tout cacher. »
Comment
les Juifs réagirent-ils à cet antitalmudisme ? Il convient de rappeler
que les accusations de meurtre rituel avaient déjà concerné le Talmud.
Leur stratégie consista à déclarer que bien des Juifs ne lisaient plus
depuis longtemps le Talmud. D’autres mirent en évidence un certain
nombre de falsifications des textes talmudiques. Sur le premier point,
il leur fut rétorqué que le Talmud ne continuait pas moins à les
marquer. Cela dit, en produisant un « nouveau » Talmud sous la forme de Protocoles,
on démontrât que l’esprit talmudique antichrétien n’était pas mort,
même chez les plus laïcs des Juifs, et c’est là que l’on bascule de
l’antijudaïsme à l’antisémitisme. Les Juifs auraient le Talmud dans le
sang, vaste débat sur l’interaction du culturel et de l’inné ! Sur le
second point, l’accusation de falsification sera récurrente en ce qui
concerne les Protocoles des sages de Sion. Or, comme on le
voit, l’argument avait servi trente ans plus tôt. Ajoutons que Rohling
fit l’objet de procès intentés par la communauté juive de Prague, ce qui
anticipe en quelque sorte sur le procès de Berne, dans les années
trente, intenté à un éditeur allemand des Protocoles.
Édouard Drumont, au lendemain de la parution de sa France juive, en 1886, préfaça en 1889 une traduction française du Talmudjude
de Rohling (par A. Pontigny). Pontigny ne s’est pas servi de la
première édition, de 1871, du livre de Rohling, mais de celle de 1877
comportant un nouveau chapitre premier, et la préface de Drumont fut
ensuite traduite en allemand par Carl Paasch. On connaît deux éditions
françaises du livre de Rohling. Plusieurs ouvrages suivirent dans la
foulée, en écho au Juif selon le Talmud. L’un d’eux même le précéda, paru à Tulle en 1888, L’esprit juif ou les Juifs peints par eux-mêmes d’après le Talmud,
par un certain Goré O’Thouma, qui fut vraisemblablement influencé par
la sortie cette année-là d’une première traduction française du livre de
Rohling à Bruxelles. On notera que le texte de Drumont, qui connut une
certaine fortune en allemand, n’est pas mentionné par Emmanuel Kreis.
Édouard Drumont voit dans l’ouvrage de Rohling « l’événement capital de
cette fin de siècle ». Voici quelques-uns de ses propos :
«
Aucun doute ne peut cette fois exister sur l’authenticité des textes
cités par l’auteur et les Juifs eux-mêmes ont renoncé je crois à
épiloguer à ce sujet. Nous avons donc devant nous un document d’un prix
inestimable qui nous permet de pénétrer en quelque façon dans l’âme même
ou plutôt dans le cerveau du Juif ; de savoir exactement les sentiments
qu’il éprouve vis-à-vis de nous ; de connaître la conception qu’il a de
toute chose au point de vue social comme au point de vue moral. » « Ce
que le livre de Rohling a permis aux Allemands de faire ; c’est ce que
votre traduction [Drumont s’adresse à Pontigny, note d’Halbronn] nous
permet de faire de notre côté. » « Quel besoin les Juifs d’aujourd’hui
auraient-ils d’étudier le Talmud ? Il est imprimé dans leur cerveau par
la loi de l’hérédité. »
Le
traducteur vers le français précise : « Le Juif talmudiste est l’homme
d’aujourd’hui autant que celui d’hier. Il est donc indispensable de
connaître les principales dispositions de la loi talmudique à notre
égard pour apprécier avec quelque justesse l’action du judaïsme
contemporain. »
Pour
Flavien Brenier, le Talmud expliquerait comment les Hébreux, « peuple
élu », seraient devenus Juifs corrompus, cause et clef de leur
déchéance.
Dans le texte français, il est question des réactions juives au Talmudjude
de Rohling, mais elles émanent des milieux juifs sur place et figurent
chez Rohling. Chapitre I, p. 38 : « Si le juif réformé objecte que le
rabbinisme n’a rien de divin à ses yeux, nous lui répondons alors :
c’est cependant dans la synagogue que vous voulez faire le salut de
votre âme. »
On
ne connaît guère de réaction de la part des Juifs français à cet
antitalmudisme alors que les réactions en allemand abondent (liste non
exhaustive) sur une dizaine d’années, notamment celle du luthérien Franz
Delitzsch, à Der Talmudjude, par August Rohling, Münster 1871 : Entstelltes, Unwahres und Erfundenes in dem Talmudjuden Professor Dr August Rohling’s, par Kroner, Münster 1871. Die Sittenlehre des Talmud und der zerstörende Einfluss des Judenthums im Deutschen Reich (Berlin 1876, AIU). Prof. Rohling’s falschmünzerei auf talmudischen Gebiet, par Philipp Bloch (Posen 1876, AIU). Meine in Veranlassung eines Processes abgegebenen Gutachten über den Talmud in erweiterter Form, par Manuel Joël (Breslau 1877, AIU). Rohling’s Talmudjude, par Franz Delitzsch (Leipzig 1881, AIU).
Publication qui entraîne aussitôt la réplique d’August Rohling dans Franz Delitzsch und die Judenfrage, antwortlich beleuchtet
(Prague 1881, AIU). [La bibliographie de plus d’une page que poursuit
Halbronn n’est pas reproduite pour plusieurs raisons. À cause des
nombreuses fautes de germain, mais aussi de références que commet
Halbronn, qui n’indique pas la traduction française des ouvrages teutons
qu’il cite. Les noms des auteurs de ces livres, revus et corrigés, se
trouvent dans l’index, NDLR.]
Il semble que les Juifs francophones
n’aient guère souhaité entrer dans une polémique publique autour du
Talmud, ce qui expliquerait pourquoi le précédent antitalmudique sera
aussi peu invoqué à propos des Protocoles des sages de Sion.
Il conviendrait d’ailleurs de se demander pourquoi il fallut attendre la fin des années 1880 pour que le Talmudjude
fût traduit en français et ce à deux reprises. On ne peut pas exclure
que cela était dû à la crise roumaine dont les échos furent importants
en France chez Chabauty et chez Gougenot des Mousseaux notamment. C’est
ainsi que la deuxième édition du Juif de Gougenot des Mousseaux
date de 1886. Son titre parle de « judaïsation », et rappelons que
c’est sous son nom que parurent les premières traductions à partir du
russe des Protocoles à Prague en 1909. Drault dit des Protocoles (pp.
147-148) : « Ils sont le Talmud adapté aux circonstances actuelles et
le Talmud n’est pas l’œuvre d’un faussaire antijuif, lui ! Il est bien
l’œuvre des rabbins, il est un code juif, une théorie du combat, pour la
domination du monde et pour la mise en esclavage des non-Juifs. » Mais
pareil rapprochement reste très marginal.
À la veille de la parution française des Protocoles
Encore en 1912 le Talmud est à l’honneur (si on peut dire), avec Le Talmud et la Synagogue moderne,
par A.-F. Saubin (Paris), se référant à Drach et évoquant des
traductions françaises édulcorées. « Nous n’ignorons pas que l’on peut
prendre prétexte de certaines éditions modernes du Talmud pour donner un
démenti à ce que nous avons rapporté de la haine des Juifs contre les
chrétiens » (p. 58). En 1913, on peut lire sous la plume de Flavien
Brenier, opposant au Pentateuque et au Talmud : « Les Juifs et le
Talmud. Morale et principes sociaux des Juifs d’après leur livre saint :
le Talmud (avec un aperçu des circonstances historiques dans lesquelles
le peuple juif renonça à la loi de Moïse) » (Bureaux de la Ligue
Française Antimaçonnique). Notons que ces publications parues après une
série d’éditions russes des Protocoles des sages de Sion, ainsi que des premières publications en Autriche-Hongrie desdits Protocoles n’en disent encore mot. Brenier traite de la « valeur actuelle du Talmud » (p. 76 et sq.).
Il passe en revue les objections modernes, parmi lesquelles la faculté
d’un individu d’échapper à la loi du groupe, mais Brenier rappelle alors
que le monde juif est contraignant (excommunication, Hérem). [ Herem
signifie plutôt anathème, mais la confusion entre anathème et
excommunication est fréquente, NDLR.] En 1914 Albert Monniot, s’appuyant
sur le Talmud (p. 96 et sq.), publie, avec une préface de Drumont, Le crime rituel chez les Juifs (Paris). Il y est fait une place à Rohling, Monniot citant la version belge de son livre, Le Juif talmudiste. Nous ne sommes plus que six ans avant les premières traductions françaises des Protocoles
! Encore qu’il convienne de noter les objections de l’aumônier du lycée
de Rouen Vacandard, qu’il formula en 1912 dans « La question du meurtre
rituel chez les Juifs ».
On aurait dont pu s’attendre dans les années vingt à ce que le lien entre Protocoles et Talmud fût réaffirmé et ressassé lors des premières traductions françaises des Protocoles.
Ce sera le cas en Allemagne autour d’Hermann Strack mais point en
France, comme si du côté israélite on n’avait pas souhaité rallumer le
débat autour du Talmud. Mais même du côté des partisans des Protocoles, aucun ouvrage ne propose une filiation, peut-être parce que cela aurait pu donner à entendre que les Protocoles auraient été calqués sur le Talmud. Aucun camp n’aurait donc eu intérêt à évoquer Rohling…
Pour preuve de cette occultation de l’antitalmudisme, l’ouvrage en langue anglaise de Norman Cohn portant sur les Protocoles traduit en français par Léon Poliakov dans les années soixante. Dans Histoire d’un mythe, la “conspiration juive”, l’ouvrage d’Hippolyte Lutostanski Le Talmud et les Juifs est seulement cité, bien que n’ayant jamais été traduit en français.
En 1992, quand Taguieff publie deux volumes sur les Protocoles des sages de Sion, il ne dit quasiment rien sur l’antitalmudisme, sauf en ce qui concerne la réception des Protocoles
dans le monde arabe ! Page 213, le chercheur amorce enfin, en note, un
développement sous le titre « Héritage des stéréotypes antijuifs :
l’influence de la littérature européenne anti judéo-maçonnique et
antitalmudique ». Taguieff conclut ce chapitre tardif de son travail par
ces mots : « la thématique fondamentale des Protocoles se retrouve donc déjà dans le Juif talmudiste
de Rohling » (p. 216). Mais cette référence est absente de sa
présentation d’ensemble de la question (in « La vérité est ailleurs, ou
la véritable histoire des Protocoles des sages de Sion »). Il en sera de même dans la réédition chez Fayard de 2004 de son ouvrage : Les Protocoles des sages de Sion. Faux et usages d’un faux.
Comment se fait-il que cette mention de l’antitalmudisme, qui devrait
être au centre de l’ouvrage, se trouve en note en pied de page, dans un
chapitre assez marginal ? Il y a là au moins problème de perspective !
(cf. Les puissances de l’ombre, par Emmanuel Kreis [Paris, CNRS Éditions, 2009], p. 216 et sq.).
Le travail d’Hermann Strack (1848-1922) et l’antitalmudisme dans l’entre-deux-guerres
Strack s’est surtout fait connaître en
France, dès 1892, par ses travaux sur le meurtre rituel, qui serront
discutés en français et en anglais. D’ailleurs Rohling avait consacré
des travaux à ce sujet, après la parution de son Talmudjude. Ce n’est qu’en 1921, au lendemain de la traduction allemande publiée à Berlin en 1919, sous le titre Die Geheimnisse der Weisen von Zion [Les secrets des sages de Sion, NDLR], que dans cette ville paraîtront, peu avant la mort de l’auteur de la traduction, ses Jüdische Geheimgesetze
[Lois secrètes juives, NDLR], qui elles ne seront pas accessibles en
français avant d’être reprises par Joseph Santo à l’encontre des Juifs.
Le sous-titre est explicite : « Rohling, Ecker und kein Ende? » (Rohling, Ecker, et après ? Berlin 1920), par Hermann Strack, et « “Die Weisen von Zion” und ihre Gläubigen » (“Les sages de Sion”
et leurs partisans, NDLR, Berlin 1920). L’éditeur de ces ouvrages est
clairement d’obédience juive. Starck a le mérite de lier antitalmudisme
et Protocoles des sages de Sion, alors qu’aucun des camps qui
s’opposent ne le juge bon en France. Rappelons que Rohling, dont un des
ouvrages connut en France une fortune remarquable, n’est pas pionnier
dans ce domaine. On notera la récurrence du mot Geheimnisse (secrets),
qui resurgit après la publication à Vienne (en Autriche), d’un essai du
théologien catholique lituanien Justin Bonaventure Pranaitis
(1861-1917), officiant à Saint-Pétersbourg, initialement publié en latin
en 1892 sous le titre Christianus in Talmude Iudæorum sive Rabbinicæ doctrinæ de Christinis secreta, dans une traduction allemande de Joseph Deckert, Das Christenthum Talmud der Juden oder Die Geheimnisse der rabbinischen Lehre über die Christen. Connu actuellement sous le titre de « Talmud démasqué » (Talmud unmasked),
cet ouvrage, traduit en 1939 en anglais et en italien, connaît sur
Internet une fortune assez remarquable qui correspond à un retour de
l’antitalmudisqme, qui tend à éclipser les Protocoles des sages de Sion, ouvrage trop décrié du fait de son plagiat.
Strack montre notamment qu’une citation latine des Protocoles est directement issue de la traduction (non-juive) de Jérôme de Stridon : « per me reges regnant », ce qui serait peu vraisemblable dans un cénacle juif… [Semi-aberration, car «Per me reges regnant » (par moi les rois règnent) se trouve dans Proverbes 8,15,
livre de l’Ancien Testament traduit par Jérôme de Stridon en latin à
partir des textes grec et hébreu. Strack confond auteur et traducteur,
NDLR.]
Strack incarne l’opposition allemande aux Protocoles et servira de référence dans les années trente à Alexander Stein, dans son Adolf Hitler, Schuler der Weisen von Zion (Karlsbad
[Tchécoslovaquie] 1936). Autrement dit « Adolphe Hitler, élève des
sages de Sion », livre où Stein vise à montrer que l’attitude du
chancelier allemand n’est pas sans évoquer les « conseils »
machiavéliques desdits Protocoles.
En ce qui concerne la France, signalons le livre d’Oscar de Férenzy Les Juifs et nous chrétiens
(Paris 1935), préfacé par le père Defaux, Supérieur général des prêtres
missionnaires de Notre-Dame de Sion, qui ne mentionne pas les Protocoles des sages de Sion mais un autre ouvrage de Strack que celui que nous avons signalé.
En fait, un seul auteur, farouchement antisémite au demeurant, paraît avoir combiné Protocoles
et antitalmudisme. Il s’agit de Joseph Santo (de Colmar, 1869-1944),
qui s’est fait une spécialité de dénoncer toutes sortes de
falsifications dans les domaines les plus divers, qui, dans les années
trente, publie à son compte la brochure Le code dogmatique et moral des Juifs. Le Talmud, ce qu’il est et ce qu’il enseigne (Paris 1938, BNF). Au sommaire : « Le Talmud et les Protocols [sic] ». Un chapitre s’intitule « Le Talmud, vraie Bible des juifs et Source des Protocols » (la forme utilisée est anglaise, car c’est en Angleterre que l’intérêt pour les Protocoles
prit initialement une certaine ampleur). Citons ce passage de l’ouvrage
de Santo : « Demandez à la même adresse que la présente brochure le
texte authentique des Protocols qui ne sont que la mise en
pratique dans le monde entier des doctrines insensées et criminelles du
Talmud. Ces deux ouvrages sont absolument indispensables pour connaître
la question juive et comprendre ce qui se passe dans le vaste univers
dont les Juifs poursuivent l’hégémonie. »
Santo s’appuie sur la première traduction
française parue de Rohling, celle de 1888, et il évoque ce que « Les
Juifs eux-mêmes pensent du Talmud » (p. 30) : « Malgré tant d’erreurs,
d’horreurs, de saletés, d’obscénités, de sacrilèges renfermés dans le
Talmud (…) le 23 décembre 1931, à l’Université populaire juive (…) j’ai
entendu de mes oreilles le conférencier juif faire un éloge
dithyrambique du Talmud où, dit-il “les grands Juifs, les grands rabbins ont puisé leur doctrine” ». Santo est aussi l’auteur des Grands secrets actuels, documents inédits et écrasants, sorte de bréviaire antijuif où il propose le « symbole antijuif ». Voir aussi La vérité sur la Révolution (p. 10), brochure parue en 1939, pour le cent cinquantième anniversaire de l’événement.
Il nous faut aussi signaler certains articles ou projets d’articles de revues combinant les deux corpus (voir notre ouvrage Le sionisme et ses avatars, opus cité, p. 194). C’est ainsi que Jean Drault (in la revue de Gohier la Vieille France n° 277 du 25 mai 1922) sera l’auteur d’une étude intitulée « Le Talmud, code d’assassinat et de pillage qui a inspiré les Protocols [sic] ». Drault est également auteur d’une Histoire de l’antisémitisme parue en 1944. Dans une étude récente en espagnol, « Talmud y cristianismo : historia y causas de un conflicto » (1988), Moisés Orfali écrit en se référant au Talmudjude de Rohling (p. 162) : « La ventaja de esta obra sobre la de Los protocolos de los sabios
de Serge Nilus estriba en que se basa en textos judios del Talmud y de
la literatura rabinica en general y no en la fantasia de un proyecto
imaginario acerca de la hegemonia mundial para el pueblo de Israel como
es el caso de Los protocolos de los Sabios de Sion. » [Seuls titre et nom de l’auteur ont été corrigés, la conformité de la citation n’ayant pu être vérifiée, NDLR.]
À de très rares exceptions près, on notera une tentative jusque là réussie de découpler antitalmudisme et Protocoles des sages de Sion,
ce qui fait problème d’autant plus qu’il y avait eu résurgence de
l’antitalmudisme à la veille de la rédaction puis de la parution desdits
Protocoles. Les Protocoles nous semblent avoir eu
l’impact qui fut le leur en ce qu’ils venaient, en quelque sorte,
confirmer les accusations antitalmudiques. Les Protocoles sont
un Talmud « moderne », comme l’on parle d’une synagogue « moderne »
(Bassin). Ils se présentent non point comme une attaque contre les Juifs
mais comme une révélation de ce que les Juifs pensent, entre eux, des
chrétiens, à l’instar de ce qui se produit pour le Talmud. Mais le fait
que les Juifs se déclarent « peuple élu » ne nourrissait-il pas déjà une
certaine hostilité à leur égard ?
Rohling et Paul Le Cour
Paul Le Cour, dans L’ère du Verseau (1937), cite un ouvrage de Rohling paru en en 1901 : Auf nach Zion: oder die grosse Hoffnung Israels und allen Menschen (Kempten, AIU), traduit l’année suivante en français sous le titre En route pour Sion ou la grande espérance d’Israël et de toute l’humanité
(Paris, AIU). Ce qui montre l’intérêt que l’on n’avait cessé d’accorder
en France à Rohling, dont l’ouvrage, selon Le Cour, fut « retiré du
commerce à la demande de la Congrégation de l’Index, en 1909 ». Que
lit-on dans En route pour Sion ? On y regrette la position
antisioniste de l’abbé Lehmann, juif converti au catholicisme. Rohling
analyse ainsi la situation et ce d’une façon que semble approuver Le
Cour près de quarante ans plus tard. « La Main de Dieu, écrit-il, qui
pousse au retour dans la Palestine se sert de nos jours au-dedans
d’Israël du mouvement sioniste, comme au dehors elle se sert de ce qu’on
appelle l’antisémitisme » (p. V).
Rohling semble d’ailleurs reprendre une argumentation propre à L’État juif (Der Judenstaat)
de Herzl, parue en allemand cinq ans plus tôt : « Mais même ces Juifs
aisés aimeront tout de même y aller à leur tour, après que les éléments
les plus pauvres et les plus énergiques auront de nouveau rendu
habitable le sol de leurs Pères. Et ceux qui ne voudront pas y aller de
leur plein gré y seront forcés plus tôt qu’ils ne pensent par la force
sans cesse croissante des événements. » C’est ce prophétisme rohlinguien
que Le Cour prend à son compte, qui s’inscrit dans le scénario du
Second Avènement de Jésus avec le personnage de l’Antéchrist.
Des sources des Protocoles
La France et Paris semblent bien être l’épicentre de la fabrication des Protocoles des sages de Sion,
ou du moins d’une première mouture manuscrite et perdue, sans oublier
évidemment l’affaire Dreyfus qui servit de catalyseur à l’antisémitisme.
Le fait que Nilus (qui profita du contexte russe autour de la
révolution de 1905 et d’une campagne politique liée à l’élection de la
Douma) se présente en tant que « traducteur », indique une source autre
que le russe. Et l’emprunt au français ne se réduit pas au cas Joly.
Certes, l’on ne saurait oublier le
plagiat concernant Maurice Joly, mais ce plagiat avait pour objet de
conférer quelque substance à un projet consistant à « faire parler » les
Juifs, dans une optique assez proche de l’antitalmudisme. Joly est le
contenu, l’antitalmudisme le contenant, le cadre. Signalons en passant
que nous avons pu observer le même phénomène à propos de la fabrication
des Centuries de Nostradamus, quand des passages entiers de La guide des chemins de France de
Chales Estienne (1552) furent utilisés pour constituer des quatrains.
Il est courant qu’un processus de contrefaçon implique le recours au
plagiat, ce qui fait gagner du temps.
Mais peut-on exclure que Joly ait pu,
lui-même, être inspiré par l’antitalmudisme dont on sait qu’il faisait
fureur en Allemagne dans les années soixante-dix, et dont Rohling
n’avait pas le monopole ?
Il semble bien que le faussaire russe, établi à Paris, chargé de composer les Protocoles, ait eu connaissance non seulement du Dialogue de Joly mais aussi d’une traduction française du Talmudjude de Rohling. Rappelons qu’une autre traduction française du livre de Rohling parut en 1888 à Bruxelles : Le
Juif talmudiste, résumé succinct des croyances et des pratiques
dangereuses de la juiverie, présenté à la considération de tous les
chrétiens, ouvrage entièrement revu et corrigé par l’abbé
Maximilien de Lamarque, docteur en théologie, chanoine à Monte Galiano.
On y trouve l’offre suivante : « Récompense de 10 000 francs à celui qui
prouvera qu’une seule des citations contenues dans cet ouvrage est
fausse. » L’une ou l’autre de ces éditions a pu se trouver dans la
bibliothèque du faussaire russe, qui n’avait pas intérêt à révéler ses
sources. Or, si la piste Joly a été très largement signalée, la piste
antitalmudique a été largement occultée.
Selon nous, sans les traductions françaises de 1888 et 1889 du Talmudjude de Rohling, il n’y aurait pas eu de Protocoles des sages de Sion. On a un sentiment de déjà vu quand on compare la réception du Talmudjude à celle des Protocoles,
comme quand on compare la question juive en Roumanie avec la question
juive en Palestine, à quelques décennies de distance. Dans les deux cas,
il nous apparaît que deux phénomènes majeurs du 20e siècle,
protocolisme et sionisme, ne furent pas traités comme ils auraient dû
l’être, pour dissimuler certains précédents.
Ajoutons que Serge Nilus, qui consacre une annexe à l’antitalmudisme dans son édition des Protocoles
de 1905, a pu prendre connaissance de cette littérature à travers
Justinas Pranaitis. D’ailleurs, Pranaitis connaît une vogue considérable
sur Internet,ce qui confirme que l’antitalmudisme connaîtrait un
nouveau souffle et qui met en relief les lacunes des historiens des Protocoles des sages de Sion sur l’antitalmudisme de cette contrefaçon.
La présente étude est dans la ligne de notre ouvrage consacré au Monde juif et l’astrologie
(Milan 1985), issu d’une thèse dirigée par Georges Vajda (ÉPHÉ et
université Paris III, 1979) ; d’une part parce que nous y avons étudié
les croyances astrologiques dans le Talmud (notamment la question du Mazal au traité Shabbat)
et d’autre part parce que nous avons souligné à quel point les Juifs du
19e siècle étaient embarrassés, au point de basculer dans une certaine
dénégation, par le rappel qui était fait de croyances astrologiques et
magiques médiévales au sein du monde juif.
Jacques Halbronn, 7 avril 2010
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Voici
la première adaptation de cette étude de Jacques Halbronn. Sa
publication s’est étendue sur quatre jours. Sa rédaction et les
recherches afférentes ont duré près de vingt heures. Elle sera revue et
corrigée, y compris sur le site. Même les banales corrections ne sont
pas achevées. Elles le seront sous peu. Adapter un texte signifie
supprimer un mot quand l’auteur dit « expliquerait éventuellement »
(éventuellement disparaît dans ce cas). En revanche, la fidélité à
l’esprit de l’auteur s’impose. Il écrit Adolphe Hitler, très bien, libre
à lui. Ce faisant, il fait apparaître l’origine juive du pape de sa
mère. Autrement dit sa race, conformément à la tradition juive. En
revanche, si le complexe d’Œdipe est douteux en ce qui concerne le goy,
il ne l’est pas pour Halbronn, au père juif allemand, fâché avec le
germain. Au point que tous les titres d’ouvrages qu’il cite dans cette
langue ou presque sont à corriger, parfois aussi leur références et le
nom de l’auteur. Non seulement Halbronn est persuadé connaître le
germain, prétention que n’a pas Revision,
mais il ne voit pas en son père un juif allemand car il était alsacien !
Dans ce cas, Guionnet n’insiste pas, il tourne la page. Il songe
seulement qu’Halbronn a hérité de son père son goût des capitales.
En
réalité, Halbronn a deux langues vernaculaires (barbarisme de lettré) :
anglais et hébreu. Il écrit très bien anglais, langue affreusement
compliquée mais moins, à certains égards, que le français, et il est
excellent professeur d’hébreu pour goy francophone attardé du bocal,
après qu’il eut appris cet idiome dans les livres puis sur le tas, en
Israël pendant deux ans, à partir de juillet 1967. Ayant épousé dans les
années quatre-vingt-dix une « juive » ukrainienne, Halbronn est devenu
plus misogyne qu’il ne l’était à la suite de cette expérience.
Halbronn
est effrayé quand on lui dit que l’excision du prépuce rend plus vite
impuissant, quand on lui annonce que son concurrent Emmanuel Kreis n’est
pas coupé, ou encore quand on le traite de guinal. Le malheureux aurait
aimé être juif de cour façon Esther Benbassa, mais il est trop vieux et
son désir de faire carrière comme historien de l’antijudaïsme et de
l’antisémitisme n’aboutira pas. Halbronn explore cependant nouvelle
piste, très bien. Certains de ses arguments tiennent la route, tandis
que son allégeance à la fable du faussaire russe auteur du Protocole
est secondaire, car Halbronn ne fait que reprendre la thèse des «
historiens » spécialistes de la question. Mais qui sont-ils en France ?
Kreis ? Mais il dit lui-même qu’il ne connaît rien à l’affaire. Taguieff
? sociologue slave ramonant une juive ? Halbronn ? pur juif prêt à
négocier, conformément à sa race juive du pape ? Guionnet ? goy
nostalgique du royaume de Lothaire, partisan de la guerre au Sarrazin ?
Voilà la bande des quatre « spécialistes » du Protocole bord de Seine, là où il fut écrit. C’est entre ces quatre-z-yeux que se trouve la vérité
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