vendredi 4 juin 2021
Jacques Halbronn Saturne et la Nouvelle Alliance au sens de Jérémie XXXI
Saturne et la Nouvelle Alliance au sens de Jérémie XXXI
par Jacques Halbronn
Le texte de Jérémie XXXI a fait l'objet de nombreux commentaires.1 On sait par ailleurs que Thomas d'Aquin s'intéressait à l'astrologie 2 On lui attribue l'adage « Astra inclinant sed non necessitant ».3 Il fut un temps où nous avions voulu consacrer un mémoire à cette question avant suggérer cette piste à notre collaborateur et ami (décédé) Max Lejbowicz, avec Jean Jolivet, à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes (Ve Section, science des religions) et avions opté pour ce qui paraitrait en 1985 sous le titre « Le Monde Juif et l'Astrologie . Histoire d'un vieux couple » (Ed Arché, Milan) et dès 1977 la parution de notre édition du diptyque astrologique d'Abraham Ibn Ezra, préfacée par Georges Vajda, notre directeur de thèse.(Ed Retz, Collection Bibliotheca Hermetica) , dont la traduction en roman était contemporaine de la période de Thomas d'Aquin, le XIIIe siècle.4 A l'époque, nous n'avions pas établi de lien entre le texte de Jérémie et l'Astrologie. Or, c'est à un commentaire astrologique de Jérémie que nous nous sommes déjà prétés, auparavant mais sans nous référer jusque là au commentaire qu'en fit le « Docteur Angélique »En revanche, nous nous sommes déjà intéressés à la présence, à la reproduction du chapitre XXXI de Jérémie dans l'Epitre aux Hébreux dans le « Nouveau Testament » et à son influence sur le « Ecoute Israel », considéré comme une sorte de profession de foi récitée dans la plus grande solennité par les fidéles à la synagogue.
La lecture que propose ou reprend Thomas d'Aquin met l'accent sur la dimension eschatologique. On ne doit en effet pas négliger la conclusion au futur de ce texte rapporté par Jérémie au nom de « Dieu » :« Mais voici quelle alliance je conclurai avec la maison d'Israël, au terme de cette époque, dit Yahwé »Nous avons déjà exploré cette voie en considérant (cf nos textes en ligne) que cette prophétie nous semble avoir trouvé anthropologiquement son accomplissement à la charnière du XV et du XVIe siècle laquelle marqua notamment le Meguilat haMegalé, somme astrologique d'Abraham Bar Hiyya (cf le chapitre qui lui est consacré dans notre Monde Juif) Le sang du Christ 5 serait, à suivre les commentateurs Chrétiens, le catalyseur ayant sous tendu le passage vers la dite Nouvelle Alliance6
« La loi nouvelle, résume François Tonon, est une réalité intérieure. Le principal en elle est la grâce du Saint-Esprit. Le docteur angélique réalise ainsi un approfondissement de la figure de la « nouvelle alliance » : le cœur de la loi nouvelle, et donc de la nouvelle alliance, c’est la grâce. Sa grande nouveauté, en regard de l’épître commentée, c’est qu’il instaure son discours théologique comme un traité eschatologique sur le dessein de salut subordonné à l’unique notion de grâce mais aussi comme un discours permanent, historiquement adapté à une chrétienté appelée à durer dans un temps qui est loin d’être arrivé à son terme ». Autrement dit, il faut laisser le temps au temps et ne pas réduire l'espace d'une prophétie au moment (kairos) de son annonce, ce qui permet à Thomas d'Aquin de ne pas avoir à entendre que l'accomplissement serait déjà advenu.En fait, ce temps là se rapprochait déjà sensiblement, selon nous, en ce XIIIe siècle.
Mais, Thomas d'Aquin ne prend pas la mesure de la dégradation impliquée par la dite prophétie et c'est bien là tout le drame d'un tel malentendu !.
Revenons donc au texte formulant les conditions de cette « Nouvelle Alliance », lequel texte est adressé- point essentiel – à la « maison d'Israel », expression reprise dans les Evangiles quand Jésus déclare qu'il est venu pour « les brebis perdues de la maison d'Israel », ce qui inscrit sa démarche dans le fil de la dite Prophétie. Notons aussi que le Ecoute Israel s'adresse également à la dite « maison » (Bayt, qui est aussi le nom de la deuxiéme lettre de l'alphabet, en grec Béta) et est repris des injonctions des prophétes à l'encontre du Royaume du Nord ou d'Israel (par référence à Jacob dont c'est le surnom), résultat d'une sécession à la mort de Salomon.
32 Mais voici quelle alliance je conclurai avec la maison d'Israël, au terme de cette époque, dit l'Eternel: Je ferai pénétrer ma loi en eux, c'est dans leur coeur que je l'inscrirai; je serai leur Dieu et ils seront mon peuple.
33 Et ils n'auront plus besoin ni les uns ni les autres de s'instruire mutuellement en disant: "Reconnaissez l'Eternel!" Car tous, ils me connaîtront, du plus petit au plus grand, dit l'Eternel, quand j'aurai pardonné leurs fautes et effacé jusqu'au souvenir de leurs péchés.
Cette Nouvelle Alliance est en fait, un chatiment, une sorte de prison psychique, à l'encontre de ceux qui ont fauté, désobéi car on ne peut plus faire confiance à leur bonne volonté. Et précisément, le caractère contraignant de l'astrologie va tout à fait dans ce sens. L'on comprend alors pourquoi le Talmud (traité Shabbat) déclare que les Juifs ne sont pas concernés par le système astrologique-le Mazal. On nous objectera que le Talmud se référe ici à Israe par cet adage « Ein Mazal le Israel » On a le même probléme qu'avec le « Ecoute Israel » liturgique. C'est là le résultat d'un syncrétisme qui aura conduit, avec le temps, les Juifs – par ignorance (amnésie) de leur propre Histoire - à confondre en une seule les deux « maisons » d'Israel et de Juda, toutes deux d'ailleurs mentionnées dans Jérémie
.30 « Voici, des jours vont venir, dit le Seigneur, où je conclurai avec la maison d'Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle « Mais là encore, il y a risque de confusion et d'interpolation, la mention « maison de Juda » ne figurant plus ensuite. D'ailleurs, le Ecoute Israel n'affirme-t-il pas, n'annonce-t-il pas en sa première phrase quelque « unité » entre les deux maisons (Ehad) ? La forme double « Yahwé Elohim » est révélatrice et on la trouve dans certains passages de la Genése (notamment aux cbapitres II et III) mais aussi des Nombres (ch XV), ce qui aura bien embarrassé les traducteurs.
.31 Ce n'est pas tant l'unité de Dieu qui est ici concernée mais bien la fin du schisme.Le terrain est piégé.
Ce qui est annoncé, avec cette Nouvelle Alliance, c'est qu'il sera désormais impossible aux Juifs de pécher.
33 Et ils n'auront plus besoin ni les uns ni les autres de s'instruire mutuellement en disant: "Reconnaissez Yahwé!" Car tous, ils me connaîtront, du plus petit au plus grand, dit Yahwé, quand j'aurai pardonné leurs fautes et effacé jusqu'au souvenir de leurs péchés. La Nouvelle Alliance ne laissera point place à la faute à la différence de l'Ancienne ! On pense à ces gens que l'on enferme physiquement ou chimiquement, pour qu'ils soient dans l'impossibilité, l'impuissance à commettre de délit. On pourrait parler de castration voire de lobotomie !.
Dans le texte du Ecoute Israel, dont la partie finale est tirée du Livre des Nombres (chapitre XV (17- 41), il est question de « tentation » : « vous les respecterez sans être tentés de suivre les mauvais penchants (qui) vous entrainent à l'infidélité »
Nos récents travaux en Histoire de l'Astrologie –nous ont conduit à la thèse selon laquelle la planéte Saturne serait le vecteur de cette « Nouvelle Alliance »,déterminant cycliquement pour tout un collectif le même mode de comportement, au même moment, durant la même période, de sept ans en sept ans, rythme qui est en rapport avec le songe de Pharaon autour des 7 vaches maigres dévorant 7 vaches grasses, et l'on voit bien que le second temps- celui de la Nouvelle Alliance - est celui des vaches maigres. Signalons que si l'on divise la course de Saturne de 28 ans par 4, on trouve 7 ans. Il ne semble pas d'ailleurs que l'astrologie vue par Thomas d'Aquin ait pu lui permettre de proposer la lecture qui est la notre si l'on en croit l'adage qui lui est attribué (cf supra).
Nous avons récemment signalé que cette prophétie sur des temps plus ou moins lointains à venir correspondait peu ou prou au moment d'émergence du « protestantisme » et sa doctrine de la prédestination. Or, précisément Thomas d'Aquin serait plutôt du côté des astres qui déterminent plutôt que des astres qui « nécessitent » Il en aurait même pris le contre pied avec son « non necessitant », ce qui ne le prédisposait pas à interpréter correctement la dite prophétie, ce qui est révélateur de toute l'ambiguite du christanisme pré-Réforme quant à la vraie portée de celle-ci. Logiquement, le péché est inconcevable dans le cadre de la Nouvelle Alliance. Dans le Ecoute Israel, il semble que l'on ait proposé des moyens infaillibles pour neutraliser toute tentation : il y est question d'un « cordon d'azur » (Nombres XV)
, le « Petil Tekhelet » פְּתִיל תְּכֵלֶת. 7. à ajouter aux « tsitsith » (franges) On retrouve cette couleur dans les châles (Tefilin) de prières et sur le drapeau de l'Etat d'Israel (1948).
Nombres XV
לז וַיֹּאמֶר יְהוָה, אֶל-מֹשֶׁה לֵּאמֹר.
37 Yahwé parla à Moïse en ces termes:
לח דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם, וְעָשׂוּ לָהֶם צִיצִת עַל-כַּנְפֵי בִגְדֵיהֶם, לְדֹרֹתָם; וְנָתְנוּ עַל-צִיצִת הַכָּנָף, פְּתִיל תְּכֵלֶת.
38 "Parle aux enfants d'Israël, et dis-leur de se faire des franges (Tsistith) aux coins de leurs vêtements, dans toutes leurs générations, et d'ajouter à la frange de chaque coin un cordon d'azur. (Petil Tekhelet)
לט וְהָיָה לָכֶם, לְצִיצִת, וּרְאִיתֶם אֹתוֹ וּזְכַרְתֶּם אֶת-כָּל-מִצְוֺת יְהוָה, וַעֲשִׂיתֶם אֹתָם; וְלֹא-תָתוּרוּ אַחֲרֵי לְבַבְכֶם, וְאַחֲרֵי עֵינֵיכֶם, אֲשֶׁר-אַתֶּם זֹנִים, אַחֲרֵיהֶם.
39 Cela formera pour vous des franges dont la vue vous rappellera tous les commandements de l'Éternel, afin que vous les exécutiez et ne vous égariez pas à la suite de votre cœur et de vos yeux, qui vous entraînent à l'infidélité.
מ לְמַעַן תִּזְכְּרוּ, וַעֲשִׂיתֶם אֶת-כָּל-מִצְוֺתָי; וִהְיִיתֶם קְדֹשִׁים, לֵאלֹהֵיכֶם.
40 Vous vous rappellerez ainsi et vous accomplirez tous mes commandements, et vous serez saints pour votre Dieu.
Le Talmud enseigne que les pratiques pieuses permettent de se libérer du déterminisme astral (cf notre Monde Juif et l'astrologie), ce qui montre que le judaisme n'entend pas s'inscrire dans le cadre de la Nouvelle Alliance annoncée par Jérémie, il désigne l'astrologie comme ce qui lui est étranger (Avoda Zara).
Revenons sur l'Epitre aux Hébreux, dans le Nouveau Testament, et sur son traitement de la prophétie jérémienne.8 Il y est question du repos du septième jour, du Shabbat, le 7 étant lié on l' a vu à Saturne (dont le nom hébraique est Shabtay). Ce Shabbat vient s'ajouter aux Six Jours de la Création (Genése ch I) et en cela il correspond à la Nouvelle Alliance. Il faut rappeler que selon nous, le Pentateuque est en grande partie des « Fils d'Israel » comme on les désigne tout au long du Livre de l'Exode. Entendez par là que ce sont les tenants ou les descendants de la « maison (royaume) d'Israel qui auraient pris le contrôle éditorial, rédactionnel du Pentateuque mais non du volet des Prophétes, si ce n'est pour le Deutéro Isaïe à partir du chapitre 44. Quand on vous disait que le terrain était miné.
Ce « repos » annoncé – ce qui est d'ailleurs le sens de Shabbat – caractérise l'instauration de cette Nouvelle Alliance mais cela fait penser à une « maison de repos ». La hantise de la faute, le risque de l'oubli y seraient aboli.
Autrement dit, cette « Nouvelle Alliance » serait un jeu, un marché de dupes proposé à des pécheurs repentis et qui seraient soulagés d'être réduits à un état inoffensif. Face à cette perspective, les Juifs incarneraient en effet l'Ancienne Alliance, ce qui se traduirait par une « Lutte des Classes » car à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. On voit que les textes et les pratiques devraient être expurgés de ce syncrétisme à commencer par la lecture hebdomadaire du Pentateuque (sauf quant au Premier chapitre de la Genése à préserver mais non la suite) et la récitation du Ecoute Israel. Ce Pentateuque qui a, en revanche, tout à fait,à juste titre, comme préambule au Nouveau Testament,puisqu'il lui est associé depuis toujours au sein du canon biblique chrétien.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire