samedi 5 mars 2016

Jacques Halbronn, Etat et Laïcité. La question juive




Etat et Laïcité. Gérer la diversité. La question  juive.
par  Jacques  Halbronn


Le présent texte vise à  élaborer une nouvelle idée de l’Etat ou en tout cas à la préciser
sensiblement tant le débat actuel nous semble confuse autour notamment de la mission
laïque de l’Etat.
Le mot Etat recouvre deux sens qui se complétent : c’est à la fois un territoire et une
autorité s’exerçant sur le dit territoire. Ce territoire peut  évoluer dans le temps et donc les
populations qui sont englobées de facto au sein d’un tel espace, aussi bien par annexion que par sécession ou par démantélement  d’une structure impériale  par exemple.  C »‘est ainsi que la mission du dit Etat va aussi devoir évoluer en rapport avec l’arrivée ou le départ de certaines populations. Il peut aussi s’agir de clivages idéologiques au sein même de la société locale, comme avec les Guerres de religion, qui sont aussi des guerres « civiles », »intestines »; Par ailleurs, les différentes composantes de cet Etat peuvent être liées à celles d’autres Etats, comme dans le cas des communautés juive et musulmans en France par rapport au conflit
israélo-arabe. Il est dans la mission primordiale de l’Etat de réguler de telles tensions internes.étant entendu qu’au sein de chaque communauté,  puissent s’exprimer des formes
d’hostilité envers un autre au sein du dit Etat, en interne.
En ce sens, nous dirons que la laïcité  implique l’existence d’un certain « communautarisme » puisque cette laïcité a justement pour fonction d’en maitriser les aspects les plus délicats.
De tout temps, l’Etat  aura eu pour fonction de maintenir au sein d’un même territoire une
certaine sociodiversité historique et géographique, avec des vagues d’immigration ou
d’i(en cas de conquéte). Quand il échouait, il menaçait ipso facto son intégrité et son
« indivisibilité ».
Le cas de la « communauté »  juive  constitue une situation particulière. Il semble que les juifs
aient joué un certain rôle dans l’imaginaire européen et notamment chrétien. La France aura accordé au statut des Juifs en son sein une place remarquable, à la veille de la Révolution
Française.(cf le Discours de l’abbé Grégoire). On pourrait même dire que la rupture avec l’Ancien Régime passait par l’émancipation des Juifs sur le territoire, quel qu’il puisse être, de la France (cf ainsi le Décret Crémieux sur la juifs d’Algérie en 1870). Parallélement, l’Angleterre
allait suivre une trajectoire assez comparable par rapport non seulement à ‘ses » Juifs – du moins en principe – à l’égard des Juifs du monde entier, ce qui sous-tendait une certaine politique d’immigration qui changea de nature avec l’instauration, sous la tutelle anglaise, d’un Foyer Juif en Palestine, au lendemain de la Grande Guerre.
Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, la Grande Bretagne obtint de la part de la Société des Nations un mandat sur la « Palestine » à charge pour elle d’instaurer un « Jewish Home » (un Foyer Juif) ce à quoi elle s’était engagée dès la fin de 1917 par la voix de son ministre Lord Balfour s’adressant au président Rothschild de la communauté juive anglaise. Il est vrai que cela tenait à des raisons d’ordre religieux, du fait de l’existence d’un certain sionisme chrétien qui considérait que le retour des Juifs en Palestine faisait partie d’un plan divin.
Mais la France avait également des visées sur cette région, mémoire des croisades oblige mais aussi Emancipation des Juifs sous la Révolution. De fait, la France de l’après affaire Dreyfus, se positionna comme terre d’accueil pour les juifs du monde entier et ce d’autant plus que les Anglais se mirent à pratiquer une politique de plus en plus restrictive d’accueil des Juifs en Palestine, sous la pression des composantes musulmanes de leur vaste Empire de l’époque. En ce sens Napoléon allait dans le sens du respect de la spécificité d’une « nation » juive en France. Ces puissances – l’anglaise ou la française- avaient ainsi adopté une attitude qui correspondait aux attentes d’un Theodore Herzl, dans son Judenstaat (l’Etat Juif ou Etat des Juifs). Nous pensons que c’est commettre un contresens que d’avoir instauré un Etat juif indépendant déconnecté de toute couverture « impériale » (ONU novembre 1947) hors du champ d’un empire dont il serait une composante. Tant l’empire ottoman que les empires « occidentaux » -y compris d’ailleurs l’Autriche Hongrie où il était né (à Budapest) correspondaient à une structure qui le séduisait. Autrement dit « son » Etat Juif devait être une communauté cohabitant avec d’autres communautés au sein d’un Etat que l’on peut sans anachronisme qualifier de laïc. Le seul point important était que cet Etat supranational, supra-communautaire, devait s’engager non seulement t à protéger « ses » juifs » mais accepter d’accueillir leurs coreligionnaires du monde entier, à l’avenir tout en obtenant des autres composantes du dit Etat une tolérance pour cette présence juive. C’est une tâche que l’Etat vichyssois n’a pas su assumer et en cela il aura trahi l’engagement de la France (cf. l’abbé Grégoire). Mais cela tient aussi à sa défaite face à l’Allemagne en 1940. En revanche, l’on ne peut que saluer les efforts du gouvernement actuel de la France en vue de s’assurer de la protection de la communauté juive face aux autres communautés placées sous son autorité, à commencer par la communauté arabo-musulmane, ce qui aura conduit à sécuriser l’accès aux lieux de cultes israélites sur tout le territoire français à partir de 2015. On notera que Herzl avait jugé bon d’exclure la solution française car il craignait qu’aucun Etat ne soit en mesure de maitriser les relations et les tensions entre communautés et notamment la question de l’immigration juive en France. Or, le projet herzlien était indissociable d’un processus migratoire.
Mais cette rivalité entre France et Angleterre autour de l’idée de Foyer Juif, doit probablement  être  replacée dans une perspective singulièrement plus ancienne et qui passe par un certain mimétisme existant entre les deux pays. On peut  ainsi penser que l’intérêt des Anglais pour les Juifs pourrait avoir été peu ou prou calqué sur l’engouement de la France –avec l’émancipation des Juifs de France- sous la Révolution.


















JHB
05. 03. 16

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